Je m'appelle Voix...

Mon nom résonne bien. Quelques fois on me confond avec un autre nom qui veut dire chemin. Je m’appelle voix. Je vais vous raconter mon histoire, vous dire mon parcours, vous parler des lieux où j’aime à séjourner. Je ne suis pas banale, je suis quelques fois capricieuse et contradictoire, je suis le reflet de l’humain, je suis musique des émotions humaines. Chercher à me connaître, c’est chercher à connaître l’homme avec ses zones d’ombre et ses lieux de lumière, avec ses grandeurs et ses décadences, avec ses peur et son courage, courage d’être humain, courage d’être soi, courage d’affronter la vie, ses dualités et ses contradictions.

 

A travers l’homme, je me forme, je nais, je grandis et m’épanouis. Je l’accompagne sur le chemin, selon son désir de grandir, de vivre et d’être au monde. Je m’épanouis selon sa maturité, je me charge de ses émotions, et parfois de ses pulsions, je porte ses mots, mais aussi ses maux, bref, je suis le reflet de l’humain qui cherche à être et à se dire.

 

Alors qu’il n’était pas encore né, j’étais moi aussi en gestation à travers son oreille. Oh comme il savait écouter à ce moment là ! Il ne faisait même que cela ; écouter. Toute son attention était particulièrement centrée sur la voix de sa mère qui lui parvenait par conduction osseuse. Ah cette voix maternelle ! Suprême nostalgie lorsqu’elle était suave et mélodieuse, lorsqu’elle chantait la vie, ou suprême refus lorsqu’elle était triste, disharmonieuse et mélancolique. Déjà à cette époque je me forgeais à travers les fréquences aigües de cette voix. A cette époque, je me préparais à être à travers les émotions contenues à sein de la voix de la mère.

 

Quand le moment de la naissance est arrivé, je me suis manifesté par le cri. Par moi, la vie a claironné sa présence, le verbe a manifesté son incarnation.

 

Au fur et à mesure du désir de grandir de notre petit homme, je me suis fait expression, mélodie, musique de ses émotions, reflet de son être profond qui cherche toujours à percer à travers moi. Je me suis donc fait musique de l’homme, je me suis frayé un chemin à travers la totalité de son corps, je me suis glissé dans son souffle. Je suis devenu l’ami et le reflet de celui en qui je chemine ; Un jour, le petit homme est devenu adulte, et je me suis fait masculine ou féminine. Depuis je continue à l’accompagner, tantôt maturité ou discordance, tantôt affirmation ou retrait, tantôt amour ou haine, je peux accéder à toute la palette de ses sentiments et refléter les moindres recoins de son histoire.

 

Je m’appelle voix et je suis devenue mélodie des jours heureux, dissonance des moments tristes, témoignages des désirs, baromètre des intentions et messagère des attentes. J’accompagne le bonheur comme la souffrance, le vouloir comme la peur, le mental dispersé comme la pensée créatrice.

 

A travers le rythme, je suis l’associée du souffle. Je témoigne ainsi de la force et de la fragilité, je scande l’art de vivre et de prendre le temps, où, trop rapide, je véhicule la peur et le refus.

 

A travers ma hauteur, j’indique la maturité, le positionnement. Tantôt je laisse transparaître l’enfant, tantôt je laisse transparaître l’adulte.

 

A travers mon intensité, je peux devenir feu éclairant ou le feu de la colère qui gronde. Je peux être aussi libération, expression du bouillonnement de la source vitale de l’homme qui ne cesse de chercher à se manifester à travers lui. J’indique la façon dont l’instrument humain est plus ou moins tendu dans une attitude juste dans sa relation au monde et à lui-même.

 

A travers mon timbre, j’indique la provenance de ce qui est dit où exprimé. Je suis identité. La carte de visite de l’homme c’est encore moi, celle qui dit ce que l’humain est, au moment où il parle.

 

Je me déploie particulièrement quant l’homme chante. Je lui donne de l’énergie et l’aide à se retrouver, à se recentrer, à exprimer l’indicible. Je me sers du corps de l’homme dans son ensemble, car je suis le reflet de son positionnement et de la façon dont il s’habite lui-même.

 

J’aime particulièrement à m’épanouir à travers sa bouche. Quand le moule de sa bouche est bien formé, alors je deviens couleur, puissante énergie. Je suis alors le reflet de la manière de l’homme d’être en forme ; dans sa forme.

 

Quand je m’insinue dans son visage, dans sa face, je me fais direction, lumière, sourire. Lorsque j’envahis l’arrière de sa bouche, je me fais souplesse et résonnance.

 

Un de mes lieux préférés est la cage thoracique. C’est de cette cage que je me transmue en émotions afin de les libérer. Si la peur ne m’empêche pas de prendre son essor, je transforme l’homme dans une alchimie subtile. Dans le thorax je me trans-forme en force pure et participe à l’affirmation de l’homme comme à sa capacité à séduire, et à aimer.

 

Le lieu à partir duquel j’aime à me projeter et à me déployer, c’est le ventre, le centre du corps, le Hara. Lorsque celui en qui et avec je chemine me reconnaît, me cultive, et apprend à se servir de moi, je peux devenir mélodie pure de l’être ou de l’âme, participer à la grande alchimie de la vie humaine et au cheminement de l’homme vers son devenir.

Jacques BONHOMME